Introduction
L’histoire de la contraception est souvent présentée comme une succession de progrès techniques ayant conduit à l’autonomie reproductive des femmes. Pourtant, une telle lecture omet les réalités sociales, politiques et culturelles qui façonnent, dans chaque époque, l’accès et le recours aux méthodes contraceptives.
Aujourd’hui encore, choisir une contraception adaptée demeure un parcours complexe, entre prescription médicale, représentations sociales et effets secondaires redoutés. Parmi les options disponibles, les contraceptifs progestatifs seuls — souvent appelés « microprogestatifs » — représentent une alternative particulièrement intéressante. Peu connus du grand public, ils offrent une solution efficace et bien tolérée, notamment pour les femmes qui ne peuvent ou ne souhaitent pas utiliser d’œstrogènes.
Cet article propose un tour d’horizon complet du fonctionnement, des formes disponibles, des bénéfices et des limites de ces contraceptifs progestatifs.
Qu’est-ce qu’un contraceptif progestatif ?
Définition
Un contraceptif progestatif contient un dérivé de la progestérone, une hormone naturellement sécrétée après l’ovulation. Cette hormone joue un rôle central dans la régulation du cycle menstruel, la préparation de l’utérus à la nidation et le maintien éventuel d’une grossesse. Sous forme contraceptive, les progestatifs sont administrés à dose faible ou modérée, selon la méthode utilisée.
En quoi diffèrent-ils des œstroprogestatifs ?
Contrairement aux contraceptifs combinés (pilules œstroprogestatives), les progestatifs purs ne contiennent qu’un seul type d’hormone. Cela les rend mieux tolérés chez les femmes à risque vasculaire ou présentant certaines contre-indications aux œstrogènes (thrombose, migraines avec aura, tabagisme après 35 ans, etc.).
Comment agissent les contraceptifs progestatifs ?
Trois mécanismes d’action complémentaires
- Inhibition de l’ovulation : Certains progestatifs (désogestrel, acétate de médroxyprogestérone, étonogestrel) bloquent la libération de l’ovocyte. Ce mécanisme est central pour les implants, certaines pilules et les injections trimestrielles.
- Épaississement de la glaire cervicale : L’hormone rend la glaire produite par le col de l’utérus plus dense, formant une barrière infranchissable aux spermatozoïdes.
- Modification de l’endomètre : La muqueuse utérine devient plus fine et moins réceptive à une éventuelle implantation d’un embryon.
Quelles sont les formes disponibles ?
La pilule progestative
Deux molécules principales sont utilisées : le lévonorgestrel (ex : Microval) et le désogestrel (ex : Cérazette).

- Fonctionnement : le lévonorgestrel agit essentiellement sur la glaire cervicale, le désogestrel inhibe également l’ovulation.
- Tolérance et posologie : prise quotidienne à heure fixe (tolérance de 3h ou 12h selon le type). Oubli = risque de grossesse.
- Effets secondaires fréquents : spotting, aménorrhée, irrégularités.
Bon à savoir
La pilule au désogestrel est non remboursée, contrairement à Microval, remboursée à 65 % et gratuite pour les mineures.
L’implant contraceptif hormonal
Un bâtonnet d’étonogestrel inséré sous la peau (bras non dominant) délivre l’hormone en continu.
- Durée d’efficacité : 3 ans.
- Tolérance : excellente, y compris chez les femmes obèses.
- Effets secondaires : troubles du cycle fréquents, parfois acné ou kystes fonctionnels.

Bon à savoir
En post-partum : peut être posé dès l’accouchement, même en cas d’allaitement.
L’injection trimestrielle (DMPA)
L’acétate de médroxyprogestérone (DEPO PROVERA) est injecté tous les 3 mois.
- Indication restreinte : utilisée en seconde intention (risque de perte osseuse, prise de poids, délais de retour à la fertilité).
- Contre-indiquée : chez les adolescentes, femmes ostéoporotiques ou à haut risque cardiovasculaire.
Le DIU hormonal (stérilet au lévonorgestrel)
Disponible en deux formats : Jaydess (3 ans) et Mirena (5 ans).
- Mode d’action : épaississement de la glaire cervicale et atrophie endométriale.
- Bénéfices supplémentaires : réduction des ménorragies, protection contre certains cancers, traitement de l’endométriose douloureuse.
Contre-indications : infection pelvienne récente, anomalies utérines, cancer du col ou de l’endomètre.
Quels sont les bénéfices des contraceptifs progestatifs ?
Sécurité vasculaire
Contrairement aux œstroprogestatifs, les microprogestatifs n’augmentent pas le risque de phlébite ou d’accident vasculaire cérébral. Cette sécurité en fait une option de première intention chez les femmes à risque cardiovasculaire.
Neutralité métabolique
Ils n’impactent ni la glycémie, ni les lipides sanguins, ni la tension artérielle. Une exception : le DMPA, qui peut avoir des effets métaboliques négatifs chez certaines patientes.
Confort d’utilisation
Les méthodes longue durée (implant, DIU) sont très efficaces et ne dépendent pas de l’observance quotidienne.
Prévention de pathologies gynécologiques
- Endométriose : le stérilet au lévonorgestrel est recommandé après chirurgie pour prévenir les récidives.
- Dysménorrhée et ménorragies : amélioration notable sous DIU hormonal.
- Cancers : réduction du risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire avec le stérilet hormonal.
Quels sont les effets indésirables ?
Troubles du cycle
Fréquents sous toutes les formes : spotting, règles imprévisibles ou absentes. Bien qu’inconfortables, ils ne sont pas dangereux.
Effets sur la peau, l’humeur, la libido
- Acné : parfois aggravée, notamment avec l’implant.
- Humeur/libido : pas de preuve d’un effet direct, mais des cas isolés sont rapportés. Un suivi psychoaffectif est recommandé.
Cas spécifiques
- DMPA : diminution de la densité osseuse et délai de retour à la fertilité.
- Kystes ovariens : bénins et régressifs, possibles avec certains progestatifs.
- Expulsion du DIU : rare, plus fréquente chez les nullipares ou jeunes accouchées.
Quelle est leur efficacité ?
Méthode | Efficacité parfaite (%) | Efficacité courante (%) | Indice de Pearl |
Implant | 99,95 % | 99,95 % | 0,00 |
DIU hormonal | 99,8 % | 99,8 % | 0,2 |
DMPA | 99,7 % | 94 % | 6 |
Pilule progestative | 99,7 % | 91 % | 0,4 à 1 |
À retenir : les méthodes longue durée sont les plus efficaces en pratique courante.
À qui s’adressent-ils ?
Profils recommandés
- Femmes allaitantes : dès 21 jours post-partum.
- Adolescentes : DIU et implant sont adaptés et bien tolérés.
- Femmes de plus de 40 ans : microprogestatifs recommandés en raison de leur sécurité vasculaire.
- Post-IVG : tous les progestatifs peuvent être proposés immédiatement, en particulier les LARC.
Situations à éviter
- Cancer du sein actif ou antécédent
- Pathologies hépatiques sévères
- Saignements inexpliqués
- Usage concomitant du millepertuis
Conclusion
Loin d’être une solution de second choix, les contraceptifs progestatifs constituent aujourd’hui une réponse moderne, efficace et sécuritaire à de nombreux besoins contraceptifs. Leur diversité de formes — pilule, implant, DIU, injection — permet une personnalisation fine de la prise en charge, tout en tenant compte des contraintes de santé, de mode de vie et des préférences individuelles.
Rappelons cependant que toute méthode contraceptive gagne à être accompagnée d’un temps d’échange médical, centré sur les attentes, les représentations et les besoins spécifiques de chaque personne. La contraception n’est pas seulement une affaire d’hormones : elle s’inscrit dans un parcours de vie, fait de choix éclairés et de droits à respecter.
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